Petit retour en arrière…
Ou : analepse nécessaire dans le récit de ma vie…
Je ne suis pas d’une nature mélancolique. J’accepte mon passé, j’essaie d’en tirer parti , au maximum. Le comprendre, l’accepter, vivre avec.
Vivre sans, aussi.
Vivre sans toi, petit Juluan… J’ai dû apprendre à vivre sans toi. Ou plutôt, non. J’ai dû apprendre à revivre avec ton absence. Ce qui n’est pas la même chose. Reconnaître certains rituels établis depuis maintenant 32 ans. Sourire à la lune, notamment.
Se lancer dans l’aventure APESAC, c’est rouvrir une porte. Elle grince un peu, certes, mais tout est encore en place. Retrouver le certificat de décès, relire un rapport d’autopsie, traquer le moindre détail. Et se retrouver tremblante, encore une fois.
Retrouver les rapports médicaux de ma fille, rouvrir le dossier MDPH, traquer les indices…
Accompagner mon « petit dernier » dans ses péripéties médicales. Appréhender avec lui la chirurgie à venir. Et se battre.
Réussir à leur expliquer qu’ils devront prévenir le médecin en cas de bébé, plus tard. Que leur descendance peut être impactée, aussi.
Ouvrir la porte, et se lancer à corps perdu dans cette aventure, c’est se confronter au temps qui passe. 1993 – 2025.
« Madame,
En arrêt d’activité libérale depuis…, je suis au regret de vous signaler que je ne possède plus aucun document vous concernant ».
Merci monsieur le docteur. passez-vous une bonne retraite ? Les entendez-vous, nos cris de chagrin, nos cris de colère ? Le sable et les cocotiers vont sont-ils doux ?
Cette carte ravive douleur et colère. Et me fournira peut-être l’énergie nécessaire.
32 ans que la dépakine a décousu ma vie. Ou plutôt, non, que les médecins qui ne m’ont pas donné les cartes en mains, ont décidé de ma vie. Ont décidé de la vie de mes enfants. Ont décidé de la vie de notre entourage.
J’ai la sensation d’être au pied de l’Everest. Aurai-je la force de monter jusqu’au sommet ? Aurai-je assez d’oxygène ?
Je suffoque déjà un peu.