Et le sentiment de culpabilité ?
Parfois on me demande si je « culpabilise ». Après tout, c’est moi qui prenais ce traitement.
Eh bien non. Je l’avoue.
Je ne suis ni responsable, et encore moins coupable. Je n’ai pas choisi de prendre de la dépakine. On me l’a prescrit. Sans me préciser les risques. Des risques qui n’étaient évoqués nulle part. Peut-être dans le VIDAL, mais s’il y a beaucoup de livres chez moi, le vidal n’est pas dans ma bibliothèque.
Je ne suis pas coupable, parce que, si j’avais su qu’il y avait le moindre risque, je ne l’aurais pas pris (ni le risque ni le traitement).
Je ne suis pas responsable d’être épileptique. Non plus. J’ai suffisamment subi cette maladie pour en plus m’imposer cette souffrance. J’ai eu honte à une époque, quand j’étais adolescente. Faire une crise d’épilepsie en public n’est pas agréable. On vous montre rapidement du doigt. On évite de vous inviter. Certains à l’époque ont même osé faire un parallèle entre mon épilepsie et le fait que je n’étais pas baptisée. L’épilepsie inquiète, fait peur. Le moyen-âge n’est pas si loin. Il est difficile de dire que l’on est épileptique, alors que l’on n’hésite pas à dire que l’on est asthmatique. Paradoxalement, j’ai arrêté d' »avoir honte » quand j’ai pris de la dépakine. En effet, ce traitement m’a libérée. Je ne faisais plus de malaise. J’étais à 1000 lieues d’imaginer la suite.
Je n’en veux pas non plus à la dépakine. Quelle drôle d’idée. En vouloir à la dépakine serait aussi inutile, surprenant que reprocher à un couteau de couper. Un couteau est utile, il peut même sauver une vie. Il devient dangereux quand on s’en sert comme d’une arme.
Mon seul tort aura été de faire confiance. Confiance en la médecine. Confiance en le monde médical. Comment imaginer que des médecins, mais aussi des pharmaciens, m’auraient laissé prendre un traitement en sachant que c’était un véritable poison pour les enfants que je portais ?
Comment un neurologue peut-il prescrire de la dépakine à une femme enceinte ? La question est là. Comment se peut-il que les médecins qui m’ont suivie à l’époque ne m’aient rien dit ? Comment imaginer qu’après la mort de mon fils, il n’y en ait pas un qui m’ait dit « dans le doute, on va suspendre le traitement, le temps que vous fondiez votre famille ». Parce qu’il faut savoir que la dépakine est « sur le marché » depuis 1967 (mon année de naissance ! décidément…). Je n’ose pas imaginer le nombre de victimes depuis 58 ans ! D’autant que l’on sait aujourd’hui, que ce traitement « se moque » des générations ! Eh oui, on connaît aujourd’hui l’impact « transgénerationnel » du valproate.
J’entends encore les conseils de mes médecins. « Pas de cigarette », « pas d’alcool, le moindre verre est néfaste pour le bébé »? Certes… Alors, j’ai arrêté de fumer et de boire de l’alcool pour chacune de mes grossesses.
Et en même temps, on me refilait un traitement dont on savait pertinemment qu’il empoisonnait mes enfants.
Alors non, je ne me sens pas coupable. Cela me semble une évidence. Et pourtant, je sais que d’autres mères ne peuvent s’empêcher de culpabiliser, elles. Non mesdames. Vous n’êtes ni coupables ni responsables, vous non plus. À aucun moment.
On est coupable quand on prend sa voiture sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool et que l’on provoque un accident. Quand on agit en connaissance de cause.
C’est trop facile de vouloir nous culpabiliser au lieu d’assumer, pleinement. Par exemple, le neurologue qui me suivait à l’époque est parti à la retraite. Quand j’ai demandé à récupérer mon dossier (on en a besoin pour la procédure), on m’a répondu qu’il ne l’avait pas gardé. Surprenant… Et interdit.
Assumer…
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