Rencontre poétique : La table du Marais

« Je voudrais bien réussir aussi bien que vous ce que je vais faire cette nuit, que mon style soit aussi brillant, aussi clair, aussi solide que votre gelée, que mes idées soient aussi savoureuses que vos carottes et aussi nourrissantes et fraîches que votre viande« . Lettre de M Proust à sa cuisinière, Céline. Juillet 1909.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler poésie. Mais que Baudelaire, Rimbaud, qui m’enchantent de leurs mots, me pardonnent : pas de sonnet ni d’alexandrin, ni d’oxymore, ni de quatrain, dans mon propos. Non. Aujourd’hui, je vais vous parler… De cuisine. Oui, parce que la poésie est partout. Dans une saveur, dans un fumet, un pain bien chaud, la présentation d’une assiette, le dressage d’un plat. On se goberge des mots comme d’un bon plat. Mots mielleux, acides, doux amers…

Avez vous remarqué qu’il existe un vocabulaire commun à l’art de la table et à la littérature ?

C’est à la Fresnais, entre Dol de Bretagne et Saint Malo, entre Cancale et le Mont Saint Michel, que je l’ai débusquée, la poésie. À La Table du Marais. Vous entrez dans l’univers de Pascal Raffray, l' »artiste ». Nous sommes en Ille et Vilaine, donc… en Bretagne. C’est important pour la suite !

D’abord, quand vous arrivez, vous êtes accueilli comme si vous étiez attendu. Je m’explique. Cathy qui nous accueille, prend le temps. Et c’est agréable. J’aime avoir le temps. Surtout au restaurant. La salle est conviviale, le style est écolier, classeurs, tableau, il y a même une carte sur le mur qui situe le Mont… en Bretagne ! On parle du Couesnon, qui « dans sa folie, mit le Mont en Normandie ». Je fais ma crâneuse : je suis normande.

Vient le moment de découvrir la carte et les formules qui nous sont proposées (écolière, collégienne, lycéenne). Tout me fait envie. Je choisis évidemment la formule lycéenne : entrée, plat, dessert. Ce serait dommage de faire l’économie d’un plat ! En attendant, l’apéritif. J’observe autour de moi. Deux ouvriers font leur pause déjeuner, une mamie endimanchée et un monsieur en costume, s’installent, trois dames viennent faire du repérage. On est bien. Un poêle nous réchauffe. J’aime cette ambiance simple et chaleureuse.

L’entrée « arrive » : une gâche de lieu fumé, crème fraiche de la ferme, citrons et salicorne. Un régal. L’assiette est belle, cela sent bon. Une fois encore, j’apprécie que l’on nous laisse le temps. Temps de savourer. Et celui d’attendre le plat suivant : du lieu à la crème, pomme de terre et chou-fleur. Tout est délicieux , et le plat, présenté dans sa petit cocotte individuelle, est bien chaud.

Le pain est fait maison (comme le reste d’ailleurs). Et on a le droit à une dégustation d’un beurre salé (forcément ! Il y en existe d’autre ?) fait dans une ferme voisine, la ferme saint-Goudas.

Enfin, le moment du dessert ! Comme la première fois, je choisis « la potion glacée du druide ». C’est à ce moment que Pascal vient bavarder avec nous. Je me dis qu’il a effectivement un peu une tête de druide ! Un peu Panoramix, un peu Merlin… La Bretagne quoi !

Encore un point commun entre la cuisine et la littérature : le goût du partage. Nous bavardons. Il nous raconte sa cuisine, ses projets. Certains me touchent particulièrement. J’apprends qu’il a travaillé avec des jeunes en situation de handicap, je lui parle de ma fille qui fait du chocolat en ESAT. Il nous présente « portraits de chefs », des portraits de chefs cuisiniers réalisés par des patients et soignants de centre hospitaliers.

Le partage, oui. D’ailleurs, quand nous sommes arrivés, il était en retard. Il faut vous dire que le chef livre les grands-mères alentours… Et bien sûr, il faut le temps de bavarder un petit peu.

On parle de l’Association Française des Maîtres restaurateurs, dont il a été vice-président. Je ne connaissais pas, il m’explique. Créé en 2007 avec la participation des principales organisations professionnelles, le titre de Maître restaurateur est le seul titre délivré par l’État pour les restaurateurs français. Il est accordé par le préfet de département, après un audit de contrôle réalisé par un organisme indépendant, pour une durée de quatre ans renouvelables. Ce label s’appuie sur un cahier des charges, qui mêle professionnalisme et qualifications du chef, fraicheur et saisonnalité des produits ou encore exigence d’une cuisine entièrement « maison ». Ce titre, qui garantit les compétences professionnelles du restaurateur, entend récompenser des établissements d’excellence, aussi bien des bistrots que des tables gastronomiques, mais tous garants d’une cuisine authentique. Basé sur une démarche volontaire des restaurateurs, le label est aussi une garantie pour les consommateurs. Bref, un véritable credo, presque un sacerdoce. Ajoutons que son établissement est labellisé « clef verte » pour son engagement éco-responsable. On sent qu’il est très fier de tout cela. Et cela se comprend.

Enfin, le moment est venu pour nous de reprendre la route.

Vous l’aurez compris, cet endroit et ses propriétaires nous ont séduits. Alors, n’hésitez pas. Vous passerez un bon moment et vous vous régalerez.

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